Deux semaines viennent de passer depuis l’annonce de l’état critique de cette pandémie. Le gouvernement fédéral a depuis peu annoncé un plan d’urgence de 107 milliards pour venir en aide à l’économie nationale. Plusieurs mesures provinciales ont également été adoptées pour soutenir les personnes plus vulnérables. Les dirigeants d’entreprises restent sur le qui-vive et doivent constamment prendre des décisions déchirantes auxquelles ils n’avaient pour certains, pas été préparés pour. Les activités ralentissent et les lieux publics restreignent leur accessibilité. Avoir la possibilité de continuer ses tâches en télétravail est presque devenu un privilège. Les dirigeants se retrouvent face à cette situation chaotique et les pratiques managériales sont complètement bouleversées. Il reste encore bien des mystères et des questionnements à éclaircir dans le système de la santé, en ce qui a trait aux aspects légaux et au soutien de l’économie. Un sentiment qui reste unanime ; la perte de contrôle et le stress. L’isolement, la perte d’emploi, la gestion à distance, sont tous des facteurs pouvant mettre une personne à risque.

 

Le management à l’ère d’une pandémie
L’anxiété est généralement vécue, lorsqu’un individu ressent une perte de contrôle causée par une situation manquant de structure. La crise est arrivée si subitement, que personne n’était réellement prêt à accueillir cette perturbation soudaine. Les dirigeants ont dû appliquer des méthodes de management à distance, auxquelles ils n’étaient pas tous entièrement familiers. Les droits légaux autant du côté du salarié que du dirigeant, dans ce contexte de force majeure deviennent ambiguë.

Le CRHA a pris la brillante initiative de diffuser un webinaire portant sur la gestion des RH, dans ce contexte de pandémie. Maude Grenier, membre du CRHA et associée chez Norton Rose Fullbright met l’accent sur le fait qu’il est de notre responsabilité en tant qu’employeur d’assurer la santé de tous et que si certaines personnes ressentent des symptômes, nous sommes en droit de recommander une quarantaine. C’est le devoir citoyen à chacun également de partager à son employeur s’il ressent des effets du virus. En ce qui concerne le droit de refus, un employé qui craint pour sa santé a le droit également de ne pas se présenter au travail et de mener son processus d’enquête pour savoir si ce refus est raisonnable ou non. Bien qu’il y ait des lois précises et clairement explicites, chaque cas doit tout de même être analysé en tenant compte du contexte particulier à la personne. Un dirigeant se doit d’adopter un comportement de compréhension d’empathie et de flexibilité pour assurer un soutien à son équipe. Le mot d’ordre est d’être à l’écoute de son équipe et le plus transparent possible.

La communication

Marie-France Nolet, fondatrice de Wantedyesterday, croit fermement que cette situation est une incroyable opportunité pour les employeurs réinventer leurs pratiques de travail.

Selon elle, «trois choses importantes doivent être gardées en tête : premièrement, la transparence, qui est fondamentale, pour rester en contact avec son équipe et leurs partager les enjeux. Ils pourront contribuer à leur tour pour offrir des solutions. Ensuite, avoir un plan de continuité qui est clair et visible pour tous. Implémenter un nouvel outil de gestion de projet si vous n’en utilisez toujours pas un. Finalement, instaurer des rencontres de début de journée pour mettre les gens à jour sur ce qui se passe et se fixer des objectifs à relever. Il peut être difficile de ne pas savoir par où aller et ça permet de motiver toute l’équipe ensemble.»

 

Chaque jour est un nouveau défi et il faut s’attendre à devoir modifier nos comportements de manière quotidienne. L’humain est un être à grande capacité d’adaptation et il faut lui faire confiance selon Ghislaine Labelle, membre du CRHA et psychologue. « Chacun réagit à une différente vitesse et sous diverses formes. Il faut être prêt à recevoir une variété d’émotions.» Il est légitime pour une personne en isolement de se sentir anxieux, figé où en pro-activité excessive. Il faut savoir joindre ces réactions toutes autant utiles pour en faire des résultats positifs. « C’est une bonne nouvelle qu’une personne ressente du stress, elle se fait du souci par rapport à des risques pouvant arrivés. Elle peut donc anticiper et le partager à ceux qui au contraire se présente dans une situation de déni.» Elle suggère d’utiliser les 3 C comme outils : communication, calme et clarté. Les cellules de soutien sont un bel outil à appliquer tout en restant ouvert à toutes sortes de réactions possibles. L’écoute devrait être le premier réflexe dans cette situation.

Demander des nouvelles à son équipe ne sera jamais surutilisé. Il faut adopter son rôle activement et former des cellules de soutien. «Planifier vos rencontres pour les 6 à 8 prochaines semaines, les mettre à l’agenda et créer des rituels, des points de contacts pour favoriser la convivialité.», suggère Jean-Pierre Brun, expert associé chez Empreinte Humaine et professeur retraité de l’Université de Laval.


Gérer son stress en isolement

Du côté de l’employé, il est important de se former une structure pour répondre à ce chaos. Marie-France Nolet, suggère à tous de séparer sa journée et de ne pas négliger les rencontres virtuelles, quitte à ce que ce soit simplement pour avoir une conversation informelle. En cas d’anxiété, elle conseille à tous de même faire des rencontres pour des exercices de respiration. « Respirez ensemble, se booker des cafés par vidéoconférence. Il faut briser l’isolation et faire régulièrement des checking pour voir si tout le monde va bien.» Il est important également de définir explicitement la frontière entre les heures de travail et celles personnelles. Les rituels, le sport, la méditation, la danse sont des outils pouvant aider à donner l’impression que l’on sort du travail. 

La crise présente oblige à chaque entreprise de requestionner des pratiques qui étaient pour certains, instaurées depuis des vingtaine d’années. « C’est génial ce qui se passe. Un employeur a le droit d’avoir peur qu’il y ait un manque de productivité, c’est compréhensible, mais je crois qu’il faut partager son rythme de travail en ligne. Être clair quand tu as des besoins urgents. Créer un sentiment de bonne gestion du temps», suggère Geneviève Rousseau, responsable au développement de la culture et du talent chez Designstripe.

Elle conseille à tous de prendre des pauses aux 30 minutes, s’écouter et ne pas se permettre d’attendre. Réinventer sa routine, afin de s’ouvrir sur de nouvelles possibilités. Développer une équipe résiliente où chacun est à l’écoute de ses propres besoins.

 

Des outils pour assurer la cohésion

Les outils technologiques deviennent un très grand levier à l’efficacité de communication au sein d’une équipe. Garder contact entre chaque membre de l’équipe devient une pratique de survie. Geneviève Rousseau, encourage fortement les gestionnaires à bien utiliser ces outils de manière équilibrée. La plateforme slack peut être très pertinente pour créer des chaînes de partage de passe-temps, des cours de yoga ou de cuisine gratuits. Il ne faut cependant pas s’éparpiller et tomber dans la surinformation. Elle recommande également l’application JAMM qui permet d’avoir une discussion informelle dans un environnement conçu virtuellement. Il permet de recréer les moments de socialisation au bureau : les pauses café près de la cafetière ou les discussions dans une salle de conférence, de manière improvisée. 

Nous ne sommes encore qu’au début de cette crise et un sentiment de crainte est vécu par la grande majorité de la population. Chaque jour est un nouveau départ et nous apprenons à réajuster nos modes de vie. Cet événement historique ne sera pas prêt d’être oublié et nous en resterons marqués pour les prochaines années. Le confinement imposé aura malheureusement créé bien des effets néfastes, mais aura également soulevé des failles de notre société qui étaient depuis trop longtemps enfouies et ignorées. L’humanité, la solidarité et l’écoute active sont de bels accomplissements que nous avons réussi à atteindre jusqu’à présent. L’anxiété et le stress sont des émotions très naturelles face à tous ces changements, mais il faut savoir lire les opportunités, afin de faire grandir et évoluer cette crise. 

Charlotte Centeno

Coordonnatrice - Lead sustainable marketing